Don Quichotte américain

Nous découvrons, au fil de ces pages, Arthur Peabody Goodpasture, un jeune Américain natif de Boston, qui, s'étant enrôlé dans les rangs du corps des Volontaires de la Paix, se trouve mêlé de très près à la révolution d'une petite république des îles Caraïbes, San Marco. S'agit-il ici d'un roman comique dans la vieille, l'excellente tradition de la «tarte à la crème», où l'auteur glisse sous les pas de ses personnages ces peaux de banane qui provoquent des chutes de Gugusse et appellent des rafales de gros rires ? Peut-être. S'agit-il, au contraire, d'une satire subtile et mordante ? Peut-être. Faut-il chercher dans ce livre, sous le masque de l'humour et de la satire, une grave analyse de la morale, montrant comment, dans ce vieux monde roué et fascinant qui est notre héritage, l'enfer est pavé de bonnes intentions, alors que, souvent, le diable lui-même porte pierre ? Ce n'est pas impossible. La leçon que nous tirerons de ce roman dépend de chacun de nous. Nous avons demandé à l'auteur de s'expliquer sur les intentions philosophiques qui lui ont inspiré ces pages, mais il a refusé : les gens, a-t-il grommelé, ne sont que trop nourris déjà d'idées déshydratées, surgelées, précuites et toutes prêtes à la consommation ; ce qu'il veut, c'est obliger ses contemporains à mettre moralement le fusil à la bretelle pour s'en aller au hasard des chemins à la chasse aux idées - des idées originales qu'ils auront débusquées eux-mêmes et qu'ils accomoderont à leur sauce personnelle.